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De la vière ? Parfaitement ! Non seulement ce n’est pas une faute de frappe, mais en plus ce néologisme issu de la fusion des mots “bière” et “vin” est terriblement bien trouvé ! À mi-chemin entre bière et vin, ce breuvage subtil est en effet le fruit d’une maîtrise parfaite des procédés d’élaboration de ces deux boissons fermentées ancestrales.
Un métissage aussi créatif que complexe mis au point par Rémy Maurin, brasseur, pour le moins anticonformiste, chez Gallia. Après notre article sur les bières sauvages et toutes les façons qu’a la bière de fricoter avec le raisin, approfondissons les contours d’un genre à part et particulièrement prometteur. Celles que l’on nomme vières, grape ales ou bières au raisin n’auront plus aucun secret pour vous !
Sommaire
Origines et définition des vières
D’une certaine façon, les vières puisent leurs origines en Italie, au début des années 2000 : celles que l’on nomme “grape ales”, sont les ancêtres de la vière. La brasserie italienne Birra Baladin s’est d’ailleurs fièrement illustrée dans le domaine des brut ales et autres bières de raisin… Mais, attention, nous parlons simplement d’origines, comme un point de départ, une inspiration ou une intuition, car grape ales et vières ne sont pas tout à fait similaires dans leur goût, et encore moins dans leur principe…
Qu’est-ce que les grape ales alors ? Ces bières au raisin sont des bières de fermentation spontanée de style sour, auxquelles on aura ajouté ultérieurement du moût de raisin. Elles sont une catégorie de bières à part entière : des bières de fermentation spontanée aromatisées au raisin. Alors que la vière est un produit hybride, ni bière, ni vin, et pensé de façon beaucoup plus globale. C’est ce que nous explique Rémy Maurin de chez Gallia :
La vière est une co-fermentation entre mout de raisin et mout de bière. On va faire fermenter les deux ensemble par les levures indigènes. Ce sont les levures qui se retrouvent sur la peau d’un fruit, ici le raisin, pour créer un produit hybride.
Rémy Maurin
En 2019 la Brasserie du Mont-Salève innove avec une Hors-Série Sour au raisin. Une bière artisanale acide de fermentation mixte macérée avec des raisins de cépage Grenache et Syrah, et bénéficiant d’un séjour de 12 mois en barrique. Macérée donc, point de co-fermentation ! Un produit original et raffiné que cette bière aromatisée avec ses saveurs de vin nature mais, qui, pour Rémy Maurin, n’allait pas assez loin encore…
Comment brasse t-on une vière ?
A l’instar du vin, la vière est un produit saisonnier donc la confection débute quelques heures après les vendanges ! Comme pour les harvest ales, ces bières au houblon frais, le brassage d’une vière n’est possible qu’une seule fois dans l’année, et sans attendre! La proportion de raisin dans une vière varie entre 35 et 50% du mélange. Le brasseur sélectionne des raisins cultivés en naturel ou biodynamique pour plus de saveurs et une fermentation optimale.
Le brassage d’une bonne vière n’est pas tant affaire de “secret de brasseur” mais plutôt d’une somme de compétences techniques particulièrement poussées dans le domaine de la fermentation.
On commence à brasser une vière en préparant de façon séparée les moûts de raisin et de céréales. Après récolte, le raisin est rapidement acheminé vers la brasserie où il subira un pressurage. Le jus obtenu est ensuite mis en cuve. Objectif fermentation spontanée ! Les levures naturellement présentes sur la peau des raisins vont s’activer pour débuter la fermentation. Côté malt, même projet : on confectionne un moût à base d’orge et de blé. Pour que la co-fermentation soit réussie, la question du PH est importante. Le brasseur va ajuster le Ph du moût de céréales juste avant son ajout afin qu’il se rapproche de celui du raisin :
Il y a de la levure sur les raisins et des bactéries et aussi des levures sur le grain. On va venir acidifier le moût de bière naturellement avec les bactéries présentes sur le grain afin d’aligner les deux acidités pour que la co-fermentation se passe bien.
Rémy Maurin
Ce moût sera ensuite ajouté petit à petit au jus de raisin qui débute tout juste sa fermentation. Cette étape se déroule progressivement sous plusieurs jours pour ne pas trop brusquer les levures. C’est parti pour la co-fermentation dans une cuve hermétique durant plusieurs mois. La mise en bouteille quant à elle s’effectue au printemps de l’année suivante. A l’houre où nous écrivons ces lignes, des tests de vieillissement des vières en barriques et en amphores de grès sont en cours chez Gallia. Vivement les premiers résultats !
Là où le vigneron utiliserait du soufre pour la conservation de son vin, la vière va bénéficier des vertus conservatrices du houblon !
Déguster une vière
Le taux d’alcool des vières est à mi-chemin entre celui d’un vin et celui d’une bière : il oscille entre 7 et 11°. Un breuvage fin et riche qui se déguste dans un verre à vin ! Gallia est la seule brasserie en France à commercialiser cette boisson, pour l’instant (comptez 17€ les 75 cl, le prix d’une bonne bouteille de vin). Bon, maintenant, place au concret : à quoi ressemble la dégustation d’une vière ?
Photos : https://galliaparis.com/
L’aspect
La robe d’une vière, pour commencer, évolue dans un camaïeu allant du jaune paille, en passant par le orange vif et évoluant jusqu’à une teinte framboise limpide. Les vières rosées et jaune paille sont obtenues par un pressage direct du raisin alors que les vières rouges et oranges sont issues de l’éraflage des grappes et de la macération des raisins entiers. Les vières ne produisent pas ou peu de mousse : il en apparaît un petit peu au service, mais elle a vite fait de disparaître.
Le goût
Les vières sont légèrement pétillantes. Si côté aromatique elles s’expriment essentiellement sur les notes du cépage dans une allure de vin nature, leur texture et leur rondeur rappellent plutôt le corps de la bière. Enfin, ne vous attendez pas à de l’amertume ici : l’utilisation du houblon dans la vière est à son niveau minimal. Il s’emploie pour apporter une aromatique fine et bénéficier de ses vertus antiseptiques, mais avec le moins d’amertume possible (IBU inférieur à 3). Pour finir, la plupart des vières offrent une finale assez sucrée, parfois âpre ou vineuse.
Plus désaltérantes qu’un vin, mais plus alcoolisées qu’une bière, ayant un goût plutôt porté sur le raisin et une texture plutôt issue de la bière, les vières sont définitivement l’équilibre parfait entre les deux. Plus encore, elles transcendent chacune de ces deux boissons en un nouveau breuvage raffiné, qui bouscule tout ce que nous en connaissions. Nous espérons que vous aurez la chance de tremper très vite vos lèvres dans l’une d’entre elles !
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