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Drêche de brasserie

Les 1001 vies de la drêche, ou quand la bière se réinvente

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Issue du malt, la drêche est un co-produit de la bière. Il s’agit de sa matière solide après filtration au cours du brassage. Un peu comme l’est la pulpe de l’orange une fois le fruit pressé ! Avec l’explosion du mouvement craft et l’implication de brasseurs et brasseuses engagé·es, la drêche retrouve peu à peu de ses lettres de noblesse. On vous dresse le portrait de ces initiatives vertueuses qui fleurissent pour la mettre en valeur.

Table des matières

C'est quoi la drêche ?

La drêche est en quelque sorte la pulpe de la bière obtenue lors du processus de brassage : il s’agit de ce qu’il reste des céréales une fois le maische filtré. Les drêches d’orge et de blé sont les plus courantes dans l’industrie brassicole. 

Dans la dynamique de lutte écologique contre le gaspillage alimentaire qui animent de plus en plus les consommateurs et producteurs, la drêche est aujourd’hui au coeur de nombreux processus de valorisation.

La drêche de brasserie est produite après l’empâtage (première étape du brassage). Une fois concassé, le malt est chauffé avec de l’eau pour extraire des céréales tout ce qui nous intéresse pour la suite du brassin : sucres, acides aminés, etc.

Ensuite, on filtre le tout et seul le moût, la partie liquide, est conservé. Le reste, les drêches solides, sont écartées et peuvent alors être réemployées, upcyclées !

drêches de brasserie
Le malt sec, avant d'être porté à ébullition

Drêche : tout est bon dans la bière !

Jusqu’à il n’y a pas si longtemps, les drêches étaient principalement utilisées pour servir de nourriture au bétail agricole. En effet, la drêche est une matière particulièrement protéinée, riche en fibres et en minéraux. Les brasseries artisanales passent bien souvent des accords avec des fermes et élevages locaux pour leur fournir de la drêche de brassage.

Il serait en effet bien dommage de ne pas utiliser ce co-produit du processus de brassage ! Déjà, parce que la drêche n’a pas dit son dernier mot après la filtration, et qu’elle constitue une matière première bourrée de bienfaits qu’il serait particulièrement dommage de gâcher. Et ensuite, parce que la stocker ou la jeter a un impact écologique non-négligeable, comme l’explique Maltivor :

La revalorisation des drêches est bonne pour l’environnement. Le stockage de cette matière a des répercussions écologiques.
La mauvaise élimination de la drêche provoque une pollution des sols dans les lieux d’enfouissement, en produisant du lixiviat et du biogaz constitué de méthane qui est un puissant gaz à effet de serre.

Pourquoi la drêche n’est pas un déchet ?

On entend parfois parler de la drêche comme d’un “déchet” du processus de brassage, une terminologie malheureuse qui donne une image tronquée de la réalité. Pour reprendre les mots de l’Agence de l’Environnement et de la maîtrise de l’Energie : le meilleur déchet est celui que l’on ne produit pas. Valoriser la drêche de brasserie, ce n’est pas recycler un déchet mais plutôt éviter que cette matière première bourrée de fibres et de protéines n’en devienne un.

La différence peut sembler subtile, mais l’utilisation des bons termes permet de replacer les initiatives de valorisation de la drêche à la place qui leur est due : en amont même du processus de gestion des déchets, soit ce qu’il y a de mieux pour lutter contre le gaspillage et la pollution. Pour en savoir plus sur ce sujet, vous pouvez consulter la (très complète) Foire Aux Questions de Brewsticks, une initiative dont on vous parle plus en détail un peu plus bas.

Resurrection & brewsticks, des drêches de brasserie à l'apéro

La marque bordelaise Resurrection fut sans doute pionnière dans la valorisation des céréales de brasserie. Fondée en 2016 par Marie Kerouedan, la marque s’est depuis diversifiée en des petits biscuits apéros à base de marc de pomme (drêches de cidre) ou d’okara de soja (drêche de tofu) réutilisés. Leur gamme est BIO avec des ingrédients à 85% d’origine française :

  • châtaigne / carvi / curcuma
  • petit épeautre / fenouil / poivre
  • figue / noix 
  • sarrasin / graines de courges
  • comté / oignon / millet

Vous retrouverez dans leurs communications des termes comme coproduit : le fait de produire quelque chose à partir d’une partie d’un produits tiers, comme ici les crackers à partir des drêches de bière.

Avec 3 kg de drêches de céréales (issus de 10 litres de bière artisanale), on peut fabriquer en moyenne 9 kg de crackers.

Brewsticks est l’autre acteur principal du secteur des biscuits apéros au céréales recyclées. Bruts, locaux et solidaires, leurs bâtonnets façon gressins sont particulièrement riches en fibres (et vegan, accessoirement). Ici aussi, on retrouve des déclinaisons et plusieurs gammes :

  • Gamme classique
    • poivre noir et sésame noir
    • tomates séchées, piment, huile d’olive et herbes de Provence
    • noix de coco, curry, curcuma et coriandre
    • algues marines (dulse, laitue de mer, nori) et oignon blanc
  • Recettes exploratoires
    • hibiscus, framboise et poivre rose
    • café, paprika et cardamome
    • beurre de cacahuète (recette pour l’alimentation des chiens !)
    • épices à cornichon & verjus du Périgord – pour la Paris Beer Week 2020

Si Brewsticks se revendique local, c’est parce qu’ils ont à coeur d’intégrer leur environnement dans leurs créations. Ainsi, pour les 25 ans du magasin Biocoop Canal (qui sont leurs voisins), l’équipe a créé une recette de crackers avec les épices fournies par cette épicerie BIO : gingembre, ail, poivre timur et sauce soja. Les drêches furent celles de la bière Brassin de la Villette de la Brasserie de l’Être, installée dans les mêmes locaux.

Pour aller toujours plus loin dans la revalorisation de la bière, Brewstick propose également des savons saponifiés à froid à base d’huile d’olive vierge et de levures de bières houblonnées, en collaboration avec Savon Arthur.

Pour aller toujours plus loin dans la revalorisation de la bière, des savons saponifiés à froid à base d'huile d'olive vierge et de levures de bières sont aussi proposés.

D'autres initiatives et recettes à la drêche

Reus'eat, de la drêche aux couverts compostables

On peut donc manger les drêches, mais on peut aussi manger AVEC, ou plutôt, grâce à elles ! C’est le pari de Reus’Eat, qui a lancé sur le marché des couverts compostables et bio-dégradables car composés de résidus céréalières. 

On parle ici de 18 tonnes de céréales de bière transformées en 1 million de couverts, qui ne mettront que 50 jours à se décomposer dans votre compost de façon naturelle. Les drêches et la fabrication sont faits en Rhône-Alpes, pour une initiative écolo et houblonnée 100% made in France encore une fois.

Instead, du mobilier recyclé à base de drêches

Des meubles en drêches de bière ? C’est possible, grâce au “mobilier brassé” de Instead Mobilier. Vous allez pouvoir littéralement vous asseoir sur votre bière, grâce à ce tabouret que l’on assemble soi-même, et donc l’assise est fabriqué à partir de co-produits de brassage. 3 hauteurs sont disponibles, et la structure des pieds (en métal) peut être personnalisée à l’infinie au niveau de la couleur.

Plus de 2 ans de recherche ont été nécessaires à la création du produit ! Une campagne de crowdfunding a permis au créateur Franck de lever 370% du montant initial au printemps 2021 ! Parmi les contreparties, une bière éphémères, la Release, brassée par La Germoise.

Haut-de-gamme et responsables, ces chaises en bières ont toute leur place dans des bars à bière qui veulent une touche d’originalité tout en revalorisant le coeur de leur métier ! Les drêches sont ici pressées et moulées comme on le ferait avec des particules de bois. Comptez tout de même 219,90€ le tabouret brassé de 7kg en production 100% made in France.

1 tabouret représente l’équivalent de 6 litres de bière brassée.

MALTIVOR, la farine de drêche pour cuisiner

La farine Maltivor est, comme vous l’aurez deviné, faite à partir de céréales de brassage réutilisées. Et donc, très riche en fibre et en protéines. Leur point fort ? Ils capitalisent sur la bière initiale qui a produit les drêches pour proposer plusieurs types de farines :

  • farine de bière blonde, aux malts Pilsner, Lager et Vienna ⇢ notes céréalières et sucrées
  • farine de bière brune, aux malts Munich, Chocolat, Dark Pils ⇢ notes chocolatées et cacaotées
  • farine de bière ambrée, aux malts Café et Roasted Barly ⇢ notes caramélisées

Résolument gourmande, l’équipe de Maltivor propose de nombreuses recettes à base de drêches sur leur site, pour savoir comment utiliser leurs farines. Et il existe même des sachets de mix tout prêt à cuisiner pour pancakes, gaufres, cookies et muffins !

recettes à base de drêches
Le cercle vertueux de la farine Maltivor

On espère que toutes ces idées pour réemployer et ne pas gâcher la drêche vous auront donné des idées. Vous pouvez vous-même prendre part à ce chouette mouvement ! Comment ?


MISE À JOUR · JANVIER 2023

2 nouvelles utilisations pour le moins audacieuses nous sont parvenues récemment, et nous nous devions de les incorporer à cet article !

Ainsi, le magazine Distil’Zine mentionne dans sa DistilNews Daily #200 la brasserie Winterholer qui a réussit à concevoir des substrats bio à partir de leurs résidus de brassage, dans lesquels ils ont fait pousser des champignons. Pleurotes et shiitakés bio provenant de drêches de bière, une histoire fantastique non ?

De son côté, Dorothée Van Agt a mentionné dans son podcast 1000 Hectos qu’un centre de R&D québécois est en train de mettre au point des micro-billes de drêches à usages cosmétiques, qui pourraient ainsi être utilisées dans des exfoliants et gommages pour le corps.

Pour aller plus loin

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